D'où vient la rareté du colourpoint ?
Le mot « colourpoint », avant d’être une variété de persan, est un nom technique de schéma de couleur. Le schéma « colourpoint » est une particularité génétique, que le chat partage avec le lapin (1) et le cochon d’Inde (2), et qui consiste en une restriction de l’expression de la couleur aux seules extrémités de l’animal. Cette couleur apparaît dans les zones froides du corps, les « points », pattes, masque, queue, et testicules pour les mâles.
Tout ce que vais écrire sur le colourpoint est valable pour le persan, mais aussi pour l’exotic, qui est aussi un colourpoint, mais à poils courts.
Elle est assortie d’yeux bleus, ou rouges (qui sont en fait une sorte d’absence de coloration de l’iris). C’est la raison pour laquelle les chatons colourpoints naissent blancs, encore uniformément chauds du corps de leur mère (et c’est pareil pour les cochons d’Inde, et les lapins, mais ce n’est pas ce qui nous occupe ici).
Chez les chats cette particularité ne se trouve à l’origine que chez les siamois (pour faire très simple).
Génétiquement, « à l’intérieur », sur le plan de la couleur, un siamois est comme un autre chat basique. Prenons le siamois seal point (couleur classique la plus répandue). Il s’agit en fait d’un chat noir, sauf que la couleur noire ne s’exprime que sur les points.
De même le siamois red point. : il s’agit en fait d’un chat roux « normal» mais qui, porteur de cette particularité, n’exprime sa couleur que sur les extrémités, qui sont rousses alors que le corps n’exprimera pas la couleur, et sera blanc. Et l’on décline cela pour le bleu (bleu point) le crème (crème point) etc…
Pour mieux comprendre, imaginez que vous preniez un chat entièrement bleu (c’est-à-dire gris, rien n’étant simple au royaume des chats) et que par un coup de baguette magique vous lui introduisiez le gène colourpoint : hop ! le bleu n’est plus apparent que sur ses extrémités : les points. Vous êtes passé d’un chat uniformément bleu, à un chat bleu point. Il s’agit juste d’une répartition de la couleur, qui se trouve comme absorbée, rejetée, vers les extrémités du corps.
C’était à la base ce que les éleveurs ont voulu faire sur le persan. Sans la baguette magique, bien sûr…
Parlons maintenant morphologie :
Le persan est caractérisé par un corps bréviligne, court, massif, bas sur pattes. Sa face doit être toute en rondeur et en massivité, à l’image de son corps, avec des yeux très ronds, et un nez très court, avec un stop prononcé et de petites oreilles (3).
Le siamois (4) est caractérisé par un corps longiligne, allongé, élancé, haut sur pattes. Sa face s’inscrit dans un triangle, tout en finesse, avec des yeux en amandes, un nez long, et de grandes oreilles.
Un rond d’un côté, un triangle de l’autre, il ne faut pas être bien malin pour voir que l’un est l’exact opposé de l’autre…
Le persan colourpoint fait le grand écart entre les deux. Il doit avoir la structure du persan, et les couleurs du siamois. Sauf que pour que le persan ait eu cette restriction de couleur si plaisante à l’oeil, il a fallu qu’il la prenne au siamois, qui est son opposé symétrique sur le plan de la morphologie. Il ne pouvait que le prendre au siamois, puisqu’il ne pouvait pas le prendre au persan (ce qui aurait été bien plus simple) puisque le persan colourpoint n’existait justement pas (sinon on n’aurait pas galéré à l’inventer….)
Une vraie gageure…
Le persan colourpoint est donc à la base une sorte d’impossibilité, de non-sens, un véritable challenge, un défi.
Dans la première moitié du vingtième siècle, des éleveurs ont croisé des siamois et des persans en essayant de tirer un schéma de couleur appartenant à une morphologie longiligne vers une morphologie bréviligne, totalement opposée à celle qu’avaient les détenteurs de cette particularité qu’est le schéma colourpoint.
Ils n’avaient pas de baguette magique, ils ont donc dû étaler cela sur des générations et des générations de chats, ne mariant entre eux que les plus « persans » des colourpoints obtenus.
Aujourd’hui, après tout ce travail, et malgré tous leurs efforts, le persan colourpoint est toujours un persan difficile à élever (pas à vivre!). Il a fallu aux éleveurs des décennies de sélection courageuse et drastique afin de donner à une morphologie à base triangulaire, une forme complètement ronde. Une sorte de quadrature du cercle, pour continuer à filer la métaphore mathématique.
Et cela n’est pas encore acquis.
Aujourd’hui de grands progrès ont été faits : les colourpoints n’ont plus grand chose à voir avec les premiers représentants de cette variété (5): le corps est devenu massif, la tête bien ronde, les yeux plus grands.
Grand regret : leurs yeux ont perdu au passage le bleu royal très dense, ce merveilleux saphir obscur et lumineux, qui demeure l’apanage des siamois, et que l’on trouve aussi (en moins intense) chez les sacrés de Birmanie. Dans le meilleur des cas on a, chez les colours, un beau bleu bien net, parfois même presque sombre, dans le pire une sorte de lavasse vaguement bleutée, style cataracte (j’exagère un peu).
Mais ils peinent à rivaliser avec des persans « réels » (dits « selfs » ou encore « solides ») qui sont toujours (ou presque) plus ronds, plus lourds, plus massifs, avec des yeux plus grands, plus ronds, et des oreilles plus petites. Ils n’arrivent pas à rattraper leur retard, parce que pendant que les éleveurs de colourpoints cherchaient à gagner la morphologie persane, les éleveurs de persans l’accentuaient encore davantage. Une vraie course à l’échalote.
De nombreux éleveurs ont jeté l’éponge, et soit ont abandonné cette variété pour élever des roux, des bleus, des noirs, plus faciles parce que plus stables dans leur morphologie, ou bien encore ont déserté les expositions, lassés de voir quasi systématiquement passer devant eux pour les nominations aux bests in show des persans plus « persans » dans leur morphologie, face à des colourpoints magnifiques, mais moins extrêmes dans le type.
Certes, il existe des persans colourpoints vraiment somptueux, n’ayant rien à envier aux selfs, et même dépassant les plus beaux d’entre eux, mais ils sont rares, vraiment rares, et chers, vraiment chers, et l’on passe allégrement la barre des 5000 euros pour en posséder un, ce qui peut sembler légèrement, très légèrement, excessif, surtout quand on sait qu’on n’est jamais sûr qu’ils transmettent leurs merveilleuses caractéristiques à leurs descendants, les choses n’étant jamais stabilisées.
Voilà pourquoi le colourpoint est un chat difficile à élever. Voilà pourquoi il n’y en a presque pas en expositions félines.
Alors pourquoi continuer ?
D’abord pour le charme de ses yeux bleus (les persans self ont des yeux cuivre ou or), et celui de leurs merveilleuses robes, aux couleurs opposées .
Ensuite, et c’est peut-être là le principal, pour leur personnalité, qui a gardé du siamois, une affectivité profonde, une relation intelligente avec l’humain, et une sorte de sentimentalité tendre qui en fait le persan le plus attachant qui soit 🙂 .
Car le persan colourpoint a ses spécificités : une répartition de couleur unique, lui donnant une sorte de charme réconfortant, un regard qui, même pâli, possède une grande beauté, n’appartenant qu’à lui, parce que s’enchâssant dans un visage arrondi de nounours, ce que n’auront jamais ni les sacrés de Birmanie, ni les siamois, une fourrure qu’on dit plus douce et plus facile à vivre que celle des autres persans.
Il a aussi un caractère réellement à part : le persan bien sélectionné est un chat calme et affectueux. Le coulourpoint a ces caractéristiques, en plus accentué, en plus intelligent, ai-je envie de dire. Il a une grande aptitude à communiquer avec son maître, par la voix comme par les gestes. Parce que son maître, c’est son soleil 🙂
Oui, le colourpoint a ses spécificités. Et c’est pour elles qu’il mérite que l’on continue à l’élever, à le chérir, et à l’exposer, même si sa nomination aux bests in shows demeure exceptionnelle.
Peu lui importe après tout.
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